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QU'EST CE QU'UN RESTAVEK ?
(Extrait du texte fondateur de l'association Timoun Restavèk)
1 – Origine :
« Certains spécialistes de la question considèrent l'Enfant-Domestique comme un sous-produit des structures esclavagistes, consolidées et accentuées par l'évolution des disparités sociales.
Le plus grand nombre d'Enfants Domestiques se retrouvent dans la petite classe moyenne et les couches populaires défavorisées. Les cas sont plus rares dans la bourgeoisie qui préfère payer – mal – les adultes.
Raisons majeures qui poussent les parents pauvres à placer leurs enfants comme domestiques : le manque de moyens pour nourrir leur nombreuse progéniture, et le coût des frais de scolarité qui dépasse largement leurs revenus. 57% des Enfants Domestiques de Port au Prince ont quitté leur famille pour ces raisons.
Dans nos traditions, le paysan qui désire une vraie promotion de son enfant, l'envoie en ville pour « faire des études ». Il va travailler très dur pour cela pendant des années. Au XIX° siècle, le provincial français n'en faisait-il pas autant ?
Dans un pays où le paysan gagne 450 € par an, et représente 80% des 9 millions d'habitants, que peut-il faire d'autre ?
D'après une enquête de l'UNICEF – qui nous a fourni ces données, nous pouvons estimer la population d'enfants domestiques à 300.000 (70% de filles, 30% de garçons). »
2 – Conditions de vie :
Le « Restavèk » doit se lever tôt, se coucher tard et assumer de nombreuses responsabilités : préparer à manger, faire la toilette des enfants, les conduire à l'école, faire l'entretien de la maison. Il dort sur une natte près du lit de la maîtresse de maison à qui il doit une obéissance totale, aveugle.
Le travail des enfants peut aller jusqu'à 18 heures par jour. L'enfant restavèk, parfois âgé de 5 ans seulement, fréquemment sous-alimenté, ne reçoit aucun salaire, la loi haïtienne ne prévoyant pas de rémunération pour ce type de travail.
Ses repas sont pris à la cuisine ou dans la cour. 61% ont deux repas par jour. Son loisir principal est d'aller chercher de l'eau à la fontaine voisine, c'est là qu'il peut se socialiser avec d'autres enfants du quartier. 75% de ces enfants restent analphabètes. Les privilégiés – 25% dont nous nous occupons un peu plus spécialement, vont à l'école dans l'après-midi, dans des « écoles » où les classes surchargées ne permettent aucun suivi réel sans matériel pédagogique de support.
3 – Relations inter-personnelles avec l'entourage :
L'Enfant-Domestique est le souffre-douleur de toute la famille « adoptive » et du voisinage. On a le droit de le battre, de l'insulter, de l'humilier. Malheureusement, très souvent, les enfants-domestiques subissent une répression brutale. Non seulement des parents, mais aussi des professeurs dans les écoles ou des autres éducateurs.
L'Enfant-Domestique ne jouit d'aucune intimité. Il est exposé aux appétits sexuels de tous les membres de la maison. Dans toute la littérature haïtienne, on retrouve des histoires d'enfants abusés sexuellement. C'est un fait acquis, admis par tout le monde…ou presque. Evidemment, l'enfant n'a aucun recours. S'il parle, il est renvoyé. Certains enfants peuvent atteindre des psychoses ou névroses.
« Loin des siens, le restavèk perd ses repères affectifs, culturels, religieux. Il est ainsi plus vulnérable aux sollicitations dangereuses (prostitution, drogue, vol, alcool… ) (Dr Bijoux, psychiatre).
S'ils sont malades, la moitié seulement (48%) de ces enfants auront la chance de voir un médecin.
4 – Législation des affaires sociales :
En 1947, cette pratique a été reconnue officiellement pour contrôler les conditions de travail de ces enfants.
En 1961, 1983 et 1984, le code du travail impose certaines conditions et exigences de travail aux familles employeuses. Mais ceci reste lettre morte.
En 1990, un grand colloque sur la domesticité des enfants nous a fait espérer un changement réel des pratiques de la société. Ce rêve est enterré – temporairement – avec l'attente infinie du retour de la démocratie en Haïti.
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